Dec 18, 2018

Brittany: French Regional Officials Refuse Referendum on Uniting Bretagne Despite Mass Popular Initiative


The historical region of Brittany has long been administratively partitioned by the French state into two, with its historical capital Nantes and the “Loire-Atlantique” département belonging to the Pays de la Loire region, separate from the “Bretagne” region. The separation is seen as a bid of the French government to achieve economic and demographic parity between its regions, as well as avoiding a potential regionalist movement emerging. It seems to have had the opposite effect however, as many Breton activists are galvanized by the eventual idea of “Bretagne unity”. More than 100,000 citizens of the Loire-Atlantique region signed a petition to have the question of return of the Loire-Atlantique department to Brittany. But French regional officials in the Loire Région responded with caution if not outright refusal.

The article below was published by lexpress.fr

 

C'est un cas d'école quasi-parfait. Alors que l'abstention s'envole scrutin après scrutin, plus de 100 000 citoyens inscrits sur les listes électorales se sont mobilisés en Loire-Atlantique pour signer une pétition : l'équivalent de 5 millions de personnes à l'échelle nationale ! Et, qui plus est, sur une question institutionnelle : le retour de ce département dans la région Bretagne.

C'est un cas d'école quasi-parfait. Si l'on voulait illustrer les manquements de la démocratie française dans un contexte marqué par le mouvement des gilets jaunes, on ne trouverait sans doute pas mieux. Depuis quarante ans, au bas mot, les habitants de cette région à forte identité protestent, manifestent, écrivent, défilent, donnent leur sentiment dans les sondages. Invariablement, ils expriment toujours le même point de vue : oui à la réunification de la Bretagne. Et invariablement, Paris leur répond "non".

C'est un cas d'école quasi-parfait. Dans un contexte marqué par la déferlante des gilets jaunes, qui réclament notamment des référendums d'initiative citoyenne, la déconnexion entre élus et citoyens n'a jamais été dénoncée avec autant de force. Et pourtant, malgré cette mobilisation, les élus départementaux de Loire-Atlantique ont refusé, lundi, d'organiser une consultation populaire, comme le demandaient les signataires.

Pour expliquer cette situation paradoxale, il faut commencer par rappeler qu'il il manque à l'actuelle Bretagne le département de la Loire-Atlantique dont le territoire, dans sa quasi-totalité, a pourtant appartenu à cette région pendant près de mille ans. Il n'y a pas débat sur ce point : l'un des monuments les plus visités de Nantes est le château des Ducs de... Bretagne.

Mais les Bretons, on le sait, sont persévérants. Et pour remettre la question sur la table, ils sont donc parvenus à rassembler plus de 100 000 signatures d'habitants de la Loire-Atlantique. Mais la démocratie française est ainsi faite que rien n'oblige les élus à suivre l'avis des citoyens. Leur seul devoir quand 10 % du corps électoral se mobilise de la sorte ? Voter sur le principe d'une consultation, avec la possibilité de s'y opposer. Ce qu'ils n'ont pas manqué de faire lundi. 

Il est bien sûr tout à fait légitime d'opposer des arguments de fond au retour à la Bretagne historique. C'est notamment ce qu'a fait Philippe Grosvalet, le président PS du département, qui a toujours été et reste, lui, favorable à la fusion de la Bretagne et de l'ensemble des Pays de la Loire (et pas seulement de la Loire-Atlantique). 

Pourquoi pas ? Mais le problème n'est plus là. Rarement avait-on vu autant de citoyens se rassembler. Et pourtant, Philippe Grosvalet a préféré louvoyer. Pendant des années, il a refusé de débattre du sujet. Mais quand la barre des 10 % a été atteinte, le 27 novembre dernier, il s'est retrouvé face à une alternative redoutable. Organiser une consultation dans le département de la Loire-Atlantique ? Tous les sondages le montrent : le oui au rattachement aurait toutes les chances de l'emporter. Refuser ce vote ? Ce serait illustrer par l'exemple la déconnexion entre le peuple et ses représentants dénoncé par les gilets jaunes.

Alors, il a sorti sa botte secrète, une troisième voie en quelque sorte, en proposant un vote, mais à l'échelle... des deux régions concernées : la Bretagne et les Pays de la Loire. "Le périmètre d'une consultation doit prendre en compte le périmètre d'impact de la décision", plaide-t-il. Et pour ne pas revivre la mésaventure de Notre-Dame-des-Landes - un oui suivi d'un abandon - il exige que le référendum soit "décisionnel". La loi ne le permet pas ? Qu'à cela ne tienne : il vient d'écrire à Emmanuel Macron pour lui demander d'agir en ce sens avec les parlementaires... Notre homme sait mener sa barque : l'assemblée qu'il préside a donc refusé lundi d'organiser une consultation citoyenne (30 voix contre, 13 voix pour, 15 abstention), tout en approuvant son voeu d'un référendum élargi aux périmètres des deux régions (55 voix pour, 3 voix contre, 3 abstentions). 

Tactiquement, c'est bien joué, mais politiquement ? Quand l'atmosphère est à la crise civique, la question n'est pas de savoir si la réunification de la Bretagne est une bonne ou une mauvaise idée, mais de dire si 100 000 citoyens rassemblés ont le droit de voter sur cette question sans en être empêchés par les élus. L'homme fort du département ne voit pas le problème. A ses yeux, "il ne faut pas opposer démocratie représentative et démocratie participative". C'est peu dire que tout le monde ne considère pas les choses ainsi. "C'est là une astuce insupportable, dénonce Paul Loret, le co-président de Bretagne réunie, l'association à l'origine de la pétition. Cela fait quarante ans que l'on nous balade. Quand nous nous adressons aux élus locaux, ils nous renvoient vers l'Etat. Quand nous nous tournons vers l'Etat, il nous renvoie vers les élus locaux. Et quand une pétition signée massivement oblige les élus à voter sur le principe d'une consultation, le président Grosvalet change les règles du jeu ! Cela suffit !" Sur le fond, Bretagne réunie ne s'oppose pas à un vote sur l'ensemble des deux régions, mais exige qu'une consultation se tienne d'abord dans le périmètre de la Loire-Atlantique.

Si l'association tient tant à ce vote des citoyens, c'est que compter sur les élus pour parvenir au même résultat est quasiment peine perdue. Il est vrai qu'au moment de la réforme territoriale, tout a été conçu dans ce but. Pour redessiner la carte des régions, on s'en souvient, François Hollande avait procédé en catimini et suivi une règle grossière : des fusions "région par région". Il était certes prévu que, dans un second temps, les départements aient la possibilité de changer de région, ce que l'on appelle le "droit d'option". Mais ledit dispositif a été verrouillé. A l'origine, un vote à la majorité simple des élus du département concerné, d'une part, et de la région d'accueil, d'autre part, suffisait. Trop facile ! Aussi le seuil a-t-il été relevé à la majorité des deux-tiers. Et ce n'est pas tout : on a également ajouté l'accord de la région de... départ ! Un peu comme si - toute proportion gardée - les Tibétains, pour devenir indépendants, devaient obtenir l'accord des deux-tiers des Chinois ! Et tant qu'à faire, une date limite a été fixée : le 1er mars 2019 !

 

Autant dire que, dans le cas d'espèce, il n'y a aucune chance de voir le droit d'option s'appliquer. Certes, si les élus du département de la Loire-Atlantique s'étaient laissé convaincre du bien-fondé d'une consultation, la région Bretagne aurait elle aussi accompagnée le mouvement. Mais jamais la région des Pays de la Loire n'accepterait de se voir amputer de Nantes, sa locomotive économique. Sa présidente, Christelle Morançais (LR), est d'ailleurs montée au créneau en ce sens. Les signataires en ont parfaitement conscience. C'est même pour cela qu'ils ont choisi la voie de la pétition : "La seule stratégie possible consiste à exercer une pression populaire sur les élus", résume Paul Molac, député régionaliste breton très actif sur ce dossier. Le problème est que, à l'évidence, cette pression ne suffit pas.

Dès lors, le risque existe de voir certains en conclure que seule la violence paie. A Notre-Dame-des-Landes, le vote des citoyens a pesé moins lourd que l'activisme des zadistes. Le mouvement des gilets jaunes n'a rien obtenu avant que les Champs-Elysées ne soient saccagés. La Corse, passé explosif aidant, n'a pas été fusionnée avec Provence-Alpes-Côte d'Azur tandis que la gentille Alsace, qui a joué le jeu de la démocratie, a été noyée dans le Grand Est. Y aura-t-il une tentation de remplacer les signatures par les pavés ? Paul Loret refuse de voir les choses ainsi. "On peut constater que la violence paie. Moi, je dis non. Je veux croire que la France est assez mûre pour moderniser sa démocratie." Le politologue Romain Pasquier est plus sceptique. "A l'évidence, Philippe Grosvalet a tenté de se sortir d'un mauvais pas en "noyant" le vote de la Loire-Atlantique dans un ensemble plus vaste, tout en espérant sans doute que le référendum qu'il propose n'ait jamais lieu. Mais cela peut aussi être vu comme un signal adressé aux plus radicaux des partisans de la réunification, qui pourraient être tentés d'employer d'autres moyens d'action, comme le font les agriculteurs et les pêcheurs. En France, malheureusement, l'Etat a l'habitude de ne raisonner qu'en termes de rapport de forces."

La balle est donc maintenant dans le camp du gouvernement. Est-il prêt à écouter les pétitionnaires ? A organiser un référendum décisionnaire à l'échelle des deux régions ? Pas sûr. Il y a peu, Emmanuel Macron avait indiqué qu'il refusait de sortir l'Alsace du Grand Est de crainte de rouvrir la boite de Pandore. Or, la Bretagne réunifiée poserait inévitablement la question de l'existence des Pays-de-la-Loire. Et, par effet domino, d'autres revendications ne manqueraient pas de voir le jour.

Mais, entre temps, les gilets jaunes sont venus rappeler que le peuple pouvait parfois se mettre en colère. Et Edouard Philippe vient de déclarer aux Echos que "le référendum peut être un bon instrument dans une démocratie". La Bretagne lui offre l'occasion idéale de passer de la parole aux actes.

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